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Théâtre Une langue en fusion

février 2019 | Le Matricule des Anges n°200 | par Patrick Gay Bellile

Chez la performeuse espagnole Angélica Liddell, l’incandescence des mots dit la brûlure du corps.

Les Solitaires intempestifs publient un ensemble d’œuvres écrites par Angélica Liddell entre 2003 et 2014 ; certaines déjà publiées précédemment, d’autres inédites. Il est plus habituel d’entendre parler des performances scéniques d’Angélica Liddell que de ses textes. La performeuse espagnole a le goût des images fortes, et les installe sur scène sans retenue ni modération ; à tel point que les teasers de ses spectacles peuvent parfois être déconseillés aux moins de 16 ans. Comme si le théâtre lui permettait de révéler toutes les couches de laideur et de cruauté qui recouvrent l’être humain, l’empêchant d’accéder à la beauté et à l’amour. Il a été beaucoup question, la concernant, de provocation. À cela elle répond que si la provocation consiste à provoquer des émotions chez le spectateur, à lui faire ressentir fortement des impressions sur lesquelles il ne mettra pas forcément de mots, alors oui, elle se reconnaît provocante, et le revendique. Mais si la provocation consiste à vouloir simplement scandaliser, alors non, là n’est pas son propos.
Le fait d’avoir ainsi regroupé ces textes écrits sur une longue période met en évidence leur unité et leur grande cohérence. Angélica Liddell mène depuis toujours une guerre contre la mort qui menace, et ses textes en sont l’arme principale. Car elle est performeuse, comédienne, mais aussi, écrivaine. Ses références et ses goûts vont vers tous ceux qui, avec leur plume, ont remué les eaux troubles qui stagnent au fond de l’être humain : Emily Dickinson, Mishima, Kawabata, Nathaniel Hawthorne (dont elle a adapté La Lettre écarlate actuellement présentée au Théâtre de la Colline). Et le mal est toujours à l’œuvre : du massacre des femmes de Ciudad Juárez au Mexique, à celui des jeunes socialistes sur l’île d’Utøya en Norvège, en passant par le viol des petites filles ou la cruauté des combattants de toutes les guerres, partout le mauvais génie de l’être humain est au travail. Et ce mal sans lequel le bien n’aurait aucun sens, ce sont les mots qui vont tout d’abord le combattre.
Dans le titre donné à ce recueil, Écrits, nous entendons aussi Et Cris. Car ces textes hurlent une quête désespérée de l’amour dont l’obstacle principal est en elle-même. Angélica Liddell défend l’idée que l’horreur collective n’est que la conséquence et la projection des horreurs individuelles et personnelles, et en premier lieu des siennes. Elle relie impitoyablement les malheurs du monde et sa souffrance intime. Et c’est donc d’abord là qu’il faut porter le fer. Rouge. Celui qui brûle, qui cautérise, qui égorge, qui décapite, celui qui aussi fait jouir celui qui regarde. Elle met le doigt sur nos angoisses, nos terreurs, sur notre refus de voir que ce qui nous dégoûte nous fascine par ailleurs. L’individu n’hésite jamais à être le voyeur de l’horreur que par ailleurs il dénonce. Et l’on retrouve dans ces textes, l’intransigeance et l’extrémisme de la performeuse, mais également un masochisme et une misanthropie exacerbés et assumés qui lui font dire dans une interview accordée au Monde en 2013 : « Je me sens bien dans l’isolement, je ne supporte pas le contact social, cela produit chez moi un malaise proche de la répulsion. Je suis comme une machine à rayons X qui détecte la saleté des gens, je ne peux pas m’en empêcher. »
Elle pratique volontiers le collage, la citation, la mise en regard de textes, comme dans Première Épître de Saint Paul aux Corinthiens, dans lequel elle associe un extrait du film de Bergman, Les Communiants, une lettre par elle écrite et la célèbre épître de Saint Paul sur l’Amour. Elle passe facilement de la prose à la poésie et termine même le recueil par douze psaumes de sa composition. Ni théâtre de dénonciation, ni théâtre social, le théâtre d’Angélica Liddell s’appuie sur la réalité pour trouver le chemin qui mène, tout au fond d’elle-même, aux sources de l’angoisse, du mal-être et de la peur de mourir. Et au passage, elle pulvérise toutes les institutions, toutes les structures, qu’elles soient familiales, économiques, ou politiques. Elle se dit essentiellement inspirée par la peinture et par la philosophie mais « cependant, je pense qu’ayant reçu une éducation religieuse, ma plus grande influence vient de la Bible. Sa violence poétique continue de me fasciner, les tourments spirituels et le besoin de rédemption me hantent. » Et l’on se prend au fil des pages à éprouver beaucoup de tendresse pour cette femme qui pose une telle question : « Que serais-tu prêt à faire pour ne pas être abandonné ?  »

Patrick Gay-Bellile

Écrits 2003-2014, d’Angélica Liddell
Traduit de l’espagnol par Christilla
Vasserot, Les Solitaires intempestifs,
552 pages, 23

Une langue en fusion Par Patrick Gay Bellile
Le Matricule des Anges n°200 , février 2019.
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