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Poésie Le William Blake des plages

février 2024 | Le Matricule des Anges n°250 | par Richard Blin

De la mer comme « temps liquide » aux nouvelles Amériques promises par l’espace galactique, où est la frontière entre image et réalité ? Jacques Darras, chevauchant vers et prose, s’est lancé à sa recherche.

La Mer en hiver sur les côtes de la Manche

Porté par une respiration d’espaces et de siècles, un mouvement d’expansion anime le nouveau livre de Jacques Darras. Divisé en deux parties, « La mer en hiver sur les côtes de la Manche » écrite en vers libres, et « L’imagination et le pur vertige d’exister », en prose, il traite de la vie à travers notre relation à l’espace-temps et aux images de la « réalité ».
Tout commence avec la mer, « sa respiration palpable, palpitante d’Infini » et son envergure d’initial. À son image, en vers longs qui déferlent sur la page/plage, le poème se fait mouvement et transforme le fait brut de vivre en plaisir de dire. Sans autre interlocuteur que « les éléments qui n’entendent pas » et que le ciel qui « déshabille du superflu », le corps qui marche sur la plage renoue avec l’énergie du vivant et « la simplicité de l’existence faite simple ». Et très vite prend conscience d’une autre relation au temps puisqu’à travers « l’ample retour des vagues, la respiration astrale », c’est « un irréparable hier, venu de très loin d’avant nous / Qui déferle à nos pieds d’aujourd’hui ». Une plage en appelant une autre, il peut ainsi marcher sur plusieurs à la fois, être « à Tampico/ Sur la côte est du Mexique » ou à Acapulco, « de l’autre côté sur la côte Pacifique », tout en restant le même. Télescopage de lieux et de durées montrant « l’incroyable élasticité de l’espace ».
Parole en acte, parole en marche, la poésie de Jacques Darras est mobile dans un monde mouvant. Mariant le proche et le lointain, elle articule de l’insoupçonné, se nourrit d’équivalences et de consonance, s’enroule autour de son écho, se perd, s’invente, s’accorde à la terrible beauté du monde, et pense en images elles-mêmes mobiles. « Un poème est un état provisoire de réflexion. / S’attardant quelques instants sur une plage. / Avant de rejoindre l’immense ressassement rythmique du monde. / Chaos et mots confondus. »
Dire que la mer est « l’image directe de l’infini », ou voir dans une plage un espace de conjonction des temps humains et cosmiques, c’est user de l’imagination, de notre faculté à produire des images. Le rôle de ces images dans notre existence est l’objet de la seconde partie du livre. Darras commence par constater « la clôture de l’espace », la fin du mouvement d’expansion, de progression des hommes dans l’espace. « Comment gère-t-on les pulsions d’expansion dans un univers ayant atteint son point de clôture irréversible ? » En s’appuyant, répond-il, sur la plasticité de l’espace, en imaginant une écologie poétique fondée sur les flux, les fleuves et les rivières car c’est l’imagination qui gouverne les formes que nous donnons à l’espace. Et de constater que dans notre poésie, l’espace n’a été pensé qu’en termes de spatialisation sur la page alors que la poésie américaine, avec Whitman, a jeté les fondations d’une nouvelle approche de l’espace et du temps en pensant la vie comme nomadisme et traversée. Une spatialisation du temps et de la temporalité qui se poursuivra avec Pound, William Carlos Williams, T.S. Eliot, Charles Olson.
Du côté de la philosophie, il s’avère qu’elle a tout fait pour maintenir l’imagination dans un rôle inférieur avec d’un côté le « réel » et le « rationnel » et de l’autre « l’imaginaire » et « l’irréel ». Aucune d’entre elles n’a jamais envisagé l’imagination « comme puissance dynamique inlassablement et souverainement en mouvement dans tous les actes des individus comme des sociétés ». Seuls quelques poètes – Baudelaire, Coleridge, William Blake, Whitman – en ont eu l’intuition. « Tout l’univers visible n’est qu’un magasin d’images et de signes auxquels l’imagination donnera une place et une valeur relatives » écrit Baudelaire, qui la proclame la « reine des facultés ». « Elle touche à toutes les autres ; elle les excite, elle les envoie au combat. Elle leur ressemble quelquefois au point de se confondre avec elles, et cependant elle est toujours bien elle-même. » C’est l’imagination qui a créé l’analogie et la métaphore, et c’est le « miracle de l’art de nous faire accepter l’inacceptable ». Adepte de l’imagination comme « faculté de transgression ouvrant la voie vers l’absence de cadre rationnel, donc vers le sentiment de l’infini », Jacques Darras avoue que c’est elle qui l’a conduit à choisir « d’emprunter le chemin poétique obscur de l’existence, qui ne commence qu’au milieu de la vie, et n’est susceptible, dans le meilleur des cas, de déboucher sur une clairière lumineuse qu’après avoir traversé l’immense forêt aux images, à cheval sur l’échine des rythmes et des prosodies ».

Richard Blin

La Mer en hiver sur les côtes de la Manche
Jacques Darras
Le Castor astral, 260 pages, 18

Le William Blake des plages Par Richard Blin
Le Matricule des Anges n°250 , février 2024.
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