Un livre

Le Poème que je t’écris

de Georges Drano

Editions Rumeur libre

Les poèmes de Georges Drano ouvrent des fenêtres sur les paysages qu’ils habitent. On y découvre des talus, des palus, des grèves, des lisières, des arbres, aux présences hiératiques, graves mais toujours très lumineuses. Il y a aussi le chemin, main tendue vers l’inconnu, l’autre, entre ferveur et inquiétude. Lyrique, le poète l’est en peu de mots, en brindilles de mots qui interrogent leur présence, leur puissance, sa propre présence au monde. Un questionnement perpétuel sur l’acte d’écrire qu’il a décidé, à près de 90 ans, d’interrompre en raison de la perte de son aimée, Nicole Drano-Stamberg, compagne de vie, de militantisme, d’écologie, d’humanitaire, d’actions poétiques et d’écriture. Avec celle qui se définissait comme L’Employée de la poésie (Rougerie, 2000), n’a-t-il pas publié près d’une centaine de recueils, livres d’artistes et invités à Frontignan deux cents poètes !
Les textes composant Le Poème que je t’écris l’ont été lors des derniers jours de Nicole. Clairs, ardents, aériens, ils ne s’appesantissent pas sur le caractère tragique, douloureux mais interpellent cette nouvelle présence qu’est l’absence. « Que faire pour savoir/ où nous en sommes/ Sinon inventer une autre langue/ où absent se dirait être ». Ils réveillent les mots « sous la poussière des livres/ et tout recommence/ page après page/ dans le jour prolongé/ ils se lèvent de toutes parts/ pour te rejoindre ». Évoquent leur commerce, leur artisanat, la façon de les nouer, leur avidité. Les mots transportent un passé loin d’être révolu. Ils rassurent sur l’inconnu. « Tout ce qu’on ne voit pas/ retrouve sa chair des mots ». Mais posent toujours question. « Les mots qui nous contiennent/ pourront-ils reprendre le dessus/ alors que toute parole porte la mesure de son silence ». Quand on n’a plus que les mots à donner en partage, il y a encore et toujours le violent désir d’asseoir la Beauté sur ses genoux.

Dominique Aussenac

Le Poème que je t’écris
Georges Drano
La Rumeur libre, 106 pages, 14 €