J’étais dans la foule/ Cette femme qui passe et vous caresse à l’envers/ le couteau sur les écailles ». Laura Tirandaz, poète, auteur dramatique et traductrice, prend dans son nouveau recueil le pouls de la foule. Elle s’y mêle, singulière mais identique à ses sœurs et frères humains, et répète l’expérience, initiant chaque séquence de son poème par cette entame, « J’étais dans la foule », qui ne peut manquer de faire écho, un siècle plus tard, à l’unanimisme de Jules Romain, ce poète de la ville et du mouvement. Chez Laura Tirandaz sont déroulées également sensations, couleurs, figures, souvenirs de cette « époque où il y avait encore de l’eau/ où le fleuve avait un nom ». Elle arpente la ville, côtoyant ses concitoyens, ou les chiens qui « tirent sur leur laisse font exister les passants », recueillant à chaque instant une saynète, un dialogue, une figure, une voix, une insulte ou un geste. La vie des villes, elle en témoigne, « Dans cette aube qui se refuse/ se nouent de nouvelles présences/ Un vêtement une trame une fuite en avant/ J’étais encore là/ témoin ou figurante/ Je savais/ ces lacs qu’on emporte avec soi/ ces vieilles bâtisses/ la douceur de tout ce qui tombe en ruine/ et/ tombant en ruine/ s’invente un nouveau visage ». La déliquescence des êtres, les voix abîmées par le temps, les jours qui conduisent trop vite à l’extrémité des existences, et ces colères qui « forment un nuage/ une brume équivoque/ où tout geste serait une invite ».
Emportée par son observation, Laura Tirandaz s’engage dans le paysage et ne veut pas quitter la foule. « J’écrirai un jour le récit d’un amour qui s’achève à une terrasse de café/ Elle prend tous les torts pour elle/ Elle lui tient la main, penche la tête/ Lentement elle le massacre ».
Éric Dussert
Héros-Limite, 71 pages, 16 €
Poésie J’étais dans la foule de Laura Tirandaz
septembre 2025 | Le Matricule des Anges n°266
| par
Éric Dussert
Un livre
J’étais dans la foule de Laura Tirandaz
Par
Éric Dussert
Le Matricule des Anges n°266
, septembre 2025.

