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Histoire littéraire Leur part d’ombre

avril 2007 | Le Matricule des Anges n°82 | par Jean Laurenti

En mettant en scène des partisans contre l’occupant nazi, Elio Vittorini se livre à une méditation aux résonances poétiques sur les sources de l’oppression.

Les Hommes et les autres

Parmi les nombreuses conversations qui sont la matière première du roman d’Elio Vittorini (1908-1966), il en est une qui bruisse d’une façon que le lecteur pourra difficilement oublier. À Milan, en ce mois de janvier particulièrement clément de l’année 1944, des femmes, des hommes, des enfants et des vieillards sont allongés sur les trottoirs après avoir été exécutés en représailles aux attentats commis par les partisans contre des S.S. qui contrôlent la ville. Parmi ces morts, se trouve une petite fille dont le « visage regardait, grave, le visage grave de l’homme, qui était un peu penché de son côté. » Parmi ces morts, il y a aussi une femme à la robe déchirée qui impose aux regard « sa gaine rose, sale de vieille sueur » ; et il y a aussi un vieil homme nu à la barbe de patriarche qui au milieu de tous ces morts « était comme leur père ». Par dessus les siècles, il fait surgir la part d’humanité immémoriale, il rappelle l’origine commune, il déclenche la parole de ceux que la vision du carnage devait vouer au silence. Un dialogue intense s’installe alors dans la foule surveillée par les S.S. et les miliciens, une conversation muette faite de regards échangé et d’un « petit pli au milieu des lèvres » de chacun. Et à tous ceux qui interrogent, à la jeune femme qui demande aux morts « s’ils sont morts aussi pour elle « , » les cinq qui sont au soleil répondent d’un signe de tête (…). Même pas besoin de le dire. (…) Pour toi aussi, répondent-ils. Naturellement. »
Cette scène témoigne de la manière éminemment poétique avec laquelle Elio Vittorini aborde les thèmes politiques qui traversent son œuvre. Très jeune, il écrit dans des journaux et des revues, dont Solaria, revue antifasciste installée à Florence. Outre son activité de traducteur et de critique, Vittorini travaillera pour les plus grandes maisons d’édition italiennes : Bompiani, Einaudi (chez qui il publiera Fenoglio, Calvino ou encore Rigoni Stern) et Mondadori. En 1959, avec Italo Calvino, il crée la revue Il Menabò pour promouvoir une littérature en prise avec la civilisation industrielle en pleine expansion. En France Vittorini est surtout connu pour son roman Conversations en Sicile rédigé juste avant la guerre. Comme dans Les Hommes et les autres, on y trouve la volonté de restituer la densité poétique de la parole humaine, les visions du monde qui se déploient à travers les mots en apparence les plus simples. Il faut pour cela que leur soit donnée la possibilité de se déployer : deux êtres se rencontrent, conversent et si leur parole est libre le monde s’en trouve clarifié.
Dans Les Hommes et les autres, les dialogues sont souvent portés par un courant rythmique et mélodique fondé sur la répétition fréquente de mots ou encore la reprise sous forme de questionnement d’une affirmation qui vient d’être énoncée. Lorena essaie de convaincre le partisan N 2 de quitter Milan où sa vie est en danger, mais lui a décidé de rester et d’y mourir l’arme à la main, parce que Berthe, celle qu’il veut pour compagne, est partie une fois de trop : « Toi, tu es sur la chaise, tu es venue et c’est simple. Ce n’est pas simple pour toi ? Bien sur que c’est simple. Si tu étais une autre personne, ce serait simple pour tous les deux. Nous pourrions avoir tous les deux ce qui est le plus simple. Et même s’en aller de Milan serait simple. Ce n’est pas simple de s’en aller de Milan ? Pour moi ? Pour moi, non. Pour toi, ce serait simple d’avoir ce que tu veux (…). Même rester assise toute la nuit sur une chaise est simple pour toi. »
Une des questions qui sous-tendent le roman est celle de la nature des liens qui pourraient se tisser entre les êtres sans que rien de ce que chacun porte au plus profond de lui ne s’en trouve altéré ou aliéné. Depuis le trottoir où il gît, le vieil homme mort enseigne à Berthe qu’il existe un mot « un seul mot pour cela », mais il ne le lui révèle pas.
Un mot qui peut-être mettrait fin à la « continuelle pratique du fascisme » présente jusque « dans les rapports les plus délicats entre les hommes ».

Les Hommes
et les autres

Elio Vittorini
Traduit de l’italien par Michel Arnaud
Gallimard,
« L’imaginaire »
246 pages, 7,50

Leur part d’ombre Par Jean Laurenti
Le Matricule des Anges n°82 , avril 2007.
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