Comme Paul Celan et Nelly Sachs, Rose Ausländer (née en 1901 à Czernowitz, en Bucovine) tenta de racheter, par la grille de parole du poème, la langue allemande que les nazis entachèrent de leurs crimes. Seule la mort respire aussi sûrement, paru en 1983, cinq ans avant sa disparition, radicalise encore davantage par son minimalisme la veine déjà épurée, lapidaire, et inimitable de sa voix (notamment de Été aveugle, 1965), empruntant au modernisme de la poésie américaine. La simplicité et la clarté (parfois proche d’Emily Dickinson, sans que rien ne les rapproche) ne bornent pourtant pas ses poèmes à quelques évidences. C’est au contraire une dimension toujours inentamable et secrète de l’existence qui se dit à travers eux. Si, dans « Isolée », un « miroir déformant / des singes / dans le feuillage vert vénéneux / veulent m’agripper », tout son travail consiste à réchauffer une « chanson glacée » pour qu’elle « dégèle / et nous chante / toi /et / moi ».
E. L.
Seule la mort respire aussi sûrement
de Rose Ausländer
Traduit de l’allemand et présenté par Hugo Hengl,
Harpo &, 80 pages, 20 €
Poésie Seule la mort respire aussi sûrement
novembre 2013 | Le Matricule des Anges n°148
| par
Emmanuel Laugier
Un livre
Par
Emmanuel Laugier
Le Matricule des Anges n°148
, novembre 2013.