RUBRIQUE Entretiens
Les articles
Le vilain rêve
De l’utilité de lire Le Grand Sommeil dans la retraduction de Benoît Tadié, qui rend au premier roman de Chandler sa singularité triste et toujours frémissante.
Évidemment, on se souvient de l’adaptation d’Howard Hawks : clair-obscur au cordeau, récit au galop, érotisme incisif des dialogues Bogart/Bacall. Sauf que leur couple ne s’est jamais formé chez Raymond Chandler (où le détective Philip Marlowe repoussait toute manipulation des dames) ; que l’histoire y était beaucoup plus composite (Chandler ayant fondu l’intrigue de deux nouvelles antérieures, et se fichant assez d’une vraisemblance que le style seul se chargeait d’assurer) ; que la couleur d’ensemble du roman tirait, plutôt que vers le noir et blanc classieux consacré par la tradition,...
Le long du golfe clair
Un été italien, un narrateur délicatement nostalgique, une femme à suivre : Sébastien Berlendis nous fait son cinéma. Moteur !
Le Rolleiflex autour du cou », le narrateur de Lungomare pourrait bien être le double littéraire de Sébastien Berlendis qui s’emploie lui aussi à « écrire, filmer le roman de la plage ». Et à raconter ses parents à l’époque de leur jeunesse. Le décor de ce jeu de miroirs ? L’Italie, la patrie de cœur du Lyonnais, prof de philo, qui outre l’écriture pratique aussi la photographie et depuis peu...
Des livres
Syrie, l’invention de la guerre
de
Frank Smith
Gps 12 guerillas poetiques
de
Franck & Cazie Smith
Inséparables restes
Depuis les années 1990, Frank Smith travaille à l’élaboration de livres dont les matériaux sont les prélèvements de rapports liés aux guerres, aux désastres climatiques, interrogeant la transformation des espaces et la violence des capitalismes mondiaux.
Il faut le dire, s’engager dans la lecture des livres de Frank Smith commotionne, tant le montage, quasi littéral, en bribes arrachées à l’horreur et à ce que subissent les populations civiles lors de conflits de territoire, ou de ravages liés aux mépris de l’inexorable réchauffement climatique vous arrache à vous-mêmes et au confort parfois insidieux de la lecture. On ne peut pas ne pas...
Trois et une nuits
La nuit est le pensable par excellence – du « voir », du non-dit mais à dire. Un bel essai de Jean-Baptiste Brenet, et qui fait phosphorer.
Dans un chapitre de Que veut dire penser (Rivages, 2022), « Penser comme on voit la nuit », Jean-Baptiste Brenet parlait de l’affaire de la pensée comme « ce qu’il est possible de dire, mais n’est pas dit ». Du nocturne ô combien visible, qui a sa lumière propre. Dans Demain, la veille, le philosophe se remet sur ce chantier : Ibn Tufayl, Averroès, Thomas d’Aquin, Aristote dont Arabes comme...
Un livre
Au bon vieux temps de Dieu
de
Sebastian Barry
Déni d’innocence
Pour son onzième roman, l’irlandais Sebastian Barry enquête autour d’un vieux policier sur fond de pratiques pédophiles institutionnelles. Fantomatique, mélancolique, sidérant.
Comme un saumon, Sebastian Barry aime à remonter les mémoires jusqu’à leurs sources, mêlant sa propre histoire familiale aux événements de ce monde, pour y révéler de terribles secrets enfouis. Possédant des talents de conteur hors pair, le natif de Dublin, en 1955, érige des récits cathédrales, aux constructions complexes faites d’incessants allers et retours dans l’espace et le temps (les...