À la beauté lumineuse des phrases de Louis-Combet, fait écho dans toute son œuvre, l’obscure atmosphère des fantasmes, de l’organique, du corps saignant ou douloureux. Dualité que l’on retrouve dans la première nouvelle de Des mères hallucinante comme l’était celle qui fermait son précédent recueil Rapt et ravissement (Deyrolle). Une mère attend un enfant qui, dans cette attente, lui fait découvrir la plénitude de son propre corps, et son appartenance à la cosmogonie. Découverte toute animale. L’accouchement se déroulera en « un pays qui avait dû être rêvé par les nénuphars avant toute présence humaine ». La scène de la mise au monde joue de la métaphore selon laquelle le corps féminin renferme l’univers. L’enfant, « tandis que la douleur rugit de partout, lui, jamais ne sera aussi béatement transporté d’être qu’en la traversée la plus lente possible du vaste et profond et inlassable vagin ». Pour lui comme pour elle l’accouchement est un arrachement. Lui débile, elle animale, ils vont tenter d’effacer cette mise au monde et fondre, lui passivement, elle monstrueusement, leur chair.Comment l’écrivain parvient-il ainsi à nous faire sentir, par le corps, cette scène inouïe ?
L’Âge de Rose, s’il en était besoin, démontre la force d’évocation de l’écrivain. À partir de l’hagiographie, à la sauce bénitier, de sainte Rose de Lima, Claude Louis-Combet investit, de l’intérieur, le personnage de Rose. La première scène s’ouvre sur le père : « Que l’on n’oublie pas, toutefois, avant de tourner la page, que Gaspard Florès est le père et qu’il marche en tête de toutes les ombres. » Sa traversée du roman est un éclair de fer et d’armes.Il importe qu’il disparaisse dans les ténèbres.Reste « La Madre, je la vois très bien - et comme si elle était ma propre mère, en un Pérou légendaire, au Siècle d’or d’une conquête où l’austérité des uns justifiait la légèreté des autres. » Mère peu austère qui rêve d’or et d’azur pour sa fille qui ne voudra, elle, que contemplation et martyr. Car Rose pousse la mortification au-delà du rationnel. « Lorsque la nature la faisait saigner, lui rappelant qu’elle n’était qu’une femme, elle usait du fouet contre elle-même, afin qu’un sang voulu se mêlât au sang subi et que le Christ, cloué sur sa croix, offrît toutes ses plaies aux baisers de ses lèvres. » Ce roman sera (soyons péremptoires) étudié plus tard dans les universités.Car au-delà du récit mythobiographique de Rose, il mêle une réflexion très poussée dont les incessants questionnements mêlent leur voix à celle, physique, d’une écriture qui nous pénètre.
Des mères Lettres Vives 76 pages, 100 FF
L’Âge de Rose José Corti 282 pages, 120...
Dossier
Claude Louis-Combet
Des mères et une martyre
mars 1997 | Le Matricule des Anges n°19
| par
Thierry Guichard
Un auteur