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Dossier Georges Perros
En toute amitié, 8

juillet 2011 | Le Matricule des Anges n°125

En quoi Georges Perros est-il pour vous une sorte de moraliste modeste ?

Un poète, Lorand Gaspar, chirurgien de son état et travaillant à Tunis, m’avait demandé d’écrire quelque chose sur Georges Perros pour une revue qu’il publiait là-bas. J’écrivis donc le récit du voyage que j’avais fait à Douarnenez pour rendre visite à cet homme dont certains amis de Paris (de la revue Exit, vous vous souvenez ? F. Venaille, O. Kaeppelin, J.M. Gibbal, P. Delbourg…) lui avaient entendu dire qu’il aurait aimé me voir. Je me mis en route mais sans savoir ni son adresse, ni son téléphone. Arrivé à Douarnenez, et circulant dans la ville, je m’adressai à un commerçant qui me dit d’aller dans tel café le matin, et que j’y verrais Perros en train de dépouiller son courrier. Le lendemain matin, je m’y rendis et j’y vis arriver l’homme (que le patron me désigna d’un coup de menton car je ne savais même pas à quoi ressemblait Georges Perros dont Raymond Queneau m’avait fait découvrir le fameux poème d’Une vie ordinaire) mais je fus si arrêté par son air sévère que je n’osai lui adresser la parole. Je me souviens que dans le texte donné à Lorand Gaspar, j’avais écrit : « Je fus frappé par la sévérité du visage de Georges Perros. » Je suppose que ce mot avait été jugé trop fort, ou bien qu’il avait été mal lu. Mais quand le texte fut publié, la sévérité était devenue sérénité. Il était trop tard pour protester. Ouais ! la sérénité du poète était encore à la mode en ce temps-là. Souvenez-vous, Saint-John-Perse : « La grande roue du temps tourne à ton front serein. » Ajoutez Eluard, René Char et les autres… Rien de pareil dans le cas de Georges Perros. Et, à refeuilleter les Papiers collés, on ne peut que vérifier ce qui avait modelé la sévérité de son visage.
C’est que le « métier de vivre » n’est pas de tout repos quand on se prend à y réfléchir. Et dans le cas de Georges Perros, l’on se rend vite compte que pour lui c’était une véritable douleur, notamment à cause d’un désir lancinant qui le travaillait comme la marée la mer et ne lui laissait aucun repos.
Le lendemain, en me voyant, il dit : « Ah ! c’est vous ! » Et pendant huit jours, nous nous vîmes matin, midi et soir. Il parlait tout le temps, ce qui m’était très agréable parce que je ne devais me mettre en frais pour rien : je me laissais tout simplement mener. Quand je quittai Douarnenez, il me demanda que je lui écrive de temps en temps. Ainsi nous écrivîmes-nous de temps en temps jusqu’à ce que la « chose » qui le frappa trop tôt hélas ! interrompe cette correspondance.


William Cliff

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